Beaucoup de personnes vivent avec les hauts et les bas du TDAH, moi y compris. En tant que clinicienne, je vois les troubles de l’attention non pas comme un simple déficit neurologique, mais comme une réponse dissociative au stress. Quand le système nerveux est saturé, il cherche des moyens de faire face, souvent en se déconnectant du moment présent. Cette dissociation n’a rien d’un dysfonctionnement, c’est un mécanisme de survie. C’est la manière dont le corps gère une surcharge d’énergie liée au stress, une énergie qui se dirige vers le haut et vers l’extérieur lorsque nous ne sommes pas régulés.
À l’inverse, un système nerveux régulé nous permet de rester connectés à nous-mêmes et au monde qui nous entoure. Il nous offre une capacité accrue à répondre plutôt qu’à réagir, nous offrant plus de choix dans la manière dont nous naviguons dans la vie. Lorsque nous sommes présents, nous pouvons traiter le stress d’une manière qui le transforme, au lieu de simplement l’expulser ou de le réprimer. La présence transforme le stress en terre nourricière, quelque chose que nous pouvons digérer et utiliser comme carburant pour grandir, plutôt qu’en quelque chose qui nous contrôle ou nous submerge.

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La dissociation comme réponse aux stresseurs émotionnels
La dissociation survient lorsque notre système nerveux perçoit une situation comme trop difficile à gérer. Lorsque nous faisons l’expérience d’un stress trop intense, notre système cherche spontanément à se soulager. L’un des moyens d’y parvenir est le fait de s’insensibiliser ou de se déconnecter, cela se caractérise par un mouvement d’énergie qui monte et se disperse vers l’extérieur, créant une sensation de brouillard mental, de dispersion mentale, ou d’hyperactivité. C’est pour cette raison que les personnes ayant des troubles de l’attention éprouvent souvent des difficultés de concentration, d’organisation et d’attention soutenue. Le mental saute d’une chose à l’autre, non pas par manque de discipline, mais parce qu’il tente d’échapper à quelque chose qui lui semble insupportable.
L’ironie de la situation, c’est que rester présent est précisément ce qui pourrait aider à intégrer et à apaiser l’activation, et pourtant c’est aussi ce qui peut sembler le plus insupportable. C’est pour cette raison que l’immobilité peut être vécue comme douloureuse par celles et ceux qui ont du mal à rester dans l’instant présent. Lorsque nous ralentissons et tentons d’être présents, nous entrons en contact avec tout le stress, l’inconfort et les émotions que nous cherchions à éviter. Notre agitation et notre dispersion mentale ne relèvent pas du hasard ; elles sont les symptômes d’un combat intérieur plus profond autour de la régulation et de la sécurité.
La présence comme clé de la régulation
La régulation, c’est la capacité de rester en relation avec les défis sans être submergé. C’est la faculté de traverser des émotions désagréables sans se dissocier ni se couper. Un système bien régulé n’élimine pas les déclencheurs ; il les transforme en quelque chose avec lequel nous pouvons interagir de manière constructive. Tout comme le compostage transforme les déchets en terre fertile, apprendre à se réguler et à être présent aux stresseurs transforme ce processus en une source de résilience.
Mais pourquoi résistons-nous autant à la présence ? Devenir présent signifie tout ressentir — y compris l’inconfort, l’anxiété et les émotions non résolues que nos schémas dissociatifs tentaient de nous masquer. Cela peut être douloureux. Pour les personnes ayant un TDAH, être présent peut donner l’impression de réaliser soudainement que la maison brûle depuis des années. Pas étonnant que l’élan soit de continuer à bouger, à se distraire, à se déconnecter.
Le rôle d’un congélateur est de congeler… mais qui paie la facture d’énergie ? Le prix de la dissociation, c’est que notre force vitale se retrouve bloquée. Les émotions non traitées s’accumulent dans le corps, figeant certaines parties de nous dans le temps. Avec le temps, cette énergie figée s’accumule, et se manifeste sous forme d’agitation chronique, d’hyperactivité, de brouillard mental, voire de symptômes physiques. Le problème n’est pas que les personnes ayant un TDAH soient intrinsèquement inattentives ou désorganisées ; le véritable problème, c’est que leur système nerveux porte le poids d’un grand nombre d’émotions non métabolisées.
Apprendre à rester présent
Alors, comment nous « décongelons-nous » ? Comment apprendre à rester présents lorsque la présence elle-même semble insupportable ? J’aide mes clients à comprendre que la réponse réside dans le fait d’y aller progressivement : avancer par petites étapes, en nous permettant de rencontrer nos émotions par doses modestes et gérables.
La régulation ne consiste pas à nous forcer d’un seul coup à rester immobiles. Ce serait comme jeter quelqu’un qui ne sait pas nager dans des eaux profondes en espérant qu’il reste à flot. Nous devons plutôt développer notre capacité progressivement. Cela implique de cultiver la faculté d’être présent dans de petits moments, peut-être à travers la respiration consciente, des exercices d’ancrage ou des pratiques de conscience corporelle.
À mesure que nous avançons progressivement vers la présence, nous commençons à libérer l’énergie vitale qui avait été bloquée sous l’effet du stress. Chaque instant de régulation crée un peu plus d’espace, un peu plus de souplesse. Avec le temps, cela nourrit la résilience, cette capacité à rester engagé dans la vie plutôt qu’à chercher à y échapper.
Le cadeau de la régulation
Le TDAH, dans cette perspective, n’est pas un trouble à réparer, mais un schéma de dissociation qui peut être compris et transformé. La tendance de l’esprit à se disperser n’est pas une anomalie, mais le signe que le système nerveux cherche à se soulager. En apprenant à nous réguler plutôt qu’à nous dissocier, nous ne perdons pas notre capacité de mouvement et d’énergie : nous gagnons la faculté de l’orienter d’une manière qui nous soutient.
La présence ne consiste pas à nous forcer à rester immobiles, mais à créer une relation plus profonde avec nous-mêmes et avec notre expérience. Apprendre à rester avec ce que nous vivons dans l’instant implique d’entrer doucement dans nos émotions, de ne plus les considérer comme quelque chose dont il faut s’échapper, mais de les reconnaître comme des enseignantes, des messagères de ce qui se présente pour nous en temps réel. Nous commençons alors à les rencontrer avec conscience, apprenant à les considérer comme une source de puissance, de croissance et de créativité.
Avec cette compréhension, j’ai davantage de compassion pour ce qui se joue en moi autour de l’attention. J’encourage mes clients à s’éloigner de l’idée que la tendance à se disperser serait une anomalie, quelque chose qu’il faudrait réprimer ou faire disparaître par des médicaments. Nous explorons plutôt comment retrouver notre capacité à nous engager dans la vie depuis un espace de profondeur, de résilience et de choix.



