Le pardon comme indicateur de guérison, avec Tony Hoare

Facilitateur fondateur de Compassionate Inquiry®, praticien, passionné de Hakomi et thérapeute somatique relationnel, Tony accompagne des personnes dans le cadre de thérapies assistées par psychédéliques lors de cérémonies d’ayahuasca depuis 2005. Il a également assuré des rôles de soutien dans plus de 15 retraites de 9 jours consacrées aux plantes médicinales dirigées par Gabor Maté, de 2009 à 2017, aidant les participants à se préparer et à intégrer leurs expériences.

​​Cet article explore les perspectives de Tony sur les liens entre le pardon envers soi-même, le bonheur, la gentillesse, la douceur, le courage et la guérison. Vous pouvez écouter son interview complète dans le podcast The Gifts of Trauma (en anglais).

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Avec la guérison, le pardon envers soi-même apparaît spontanément et transforme notre manière d’être au monde. Le bonheur, fréquemment, se déploie lui aussi — une autre manifestation de la guérison.

On m’a demandé : « Qu’est-ce que la guérison ? Comment j’accompagne les gens sur ce chemin ? Et quel type de guérison trouvent-ils en venant me voir ?

Je commence ma réponse par mon travail en Hakomi. Compassionate Inquiry® et Hakomi vont de pair. Ma formidable enseignante, Georgia Marvin, enseigne que la présence ne demande aucun effort. Il suffit de laisser apparaître ce qui se présente, de le rencontrer avec douceur, et de se rappeler que toutes nos expressions ont une raison d’être. Rien n’est au hasard, et nous ne sommes pas cassés. Chaque aspect de nous-même cherche simplement à s’exprimer.

Sa vision rejoint très fortement celle de Gabor concernant l’addiction. Quand je travaille avec des personnes aux prises avec une addiction, je les invite longuement à voir ce que cette addiction leur offre et le soulagement qu’elle leur procure. J’utilise la même attitude pour explorer les histoires parfois folles que nous abritons tous intérieurement.

Dans mon travail avec l’ayahuasca, je pratique les dietas de plantes. Cela consiste à partir dans la jungle, à recevoir une petite hutte, à m’y asseoir seul, à boire parfois de l’ayahuasca et à apprendre d’une plante maîtresse. Je reste en silence, sans distractions. Et dans ce silence profond, je constate que lorsqu’une sensation ou une émotion apparaît, un grand courage peut émerger pour m’aider à rester présent avec elle. C’est si puissant que parfois, le plus difficile est simplement de rester.

Quand j’arrive à ce seuil, je remarque qu’une histoire apparaît presque immédiatement : un récit, un drame intérieur, parfois en lien direct avec l’intensité ressentie. Et ce récit me distrait. Il offre une occupation à mon esprit. Mais dès que j’essaie de l’analyser ou de lui donner un sens, je perds le lien avec mon ressenti — et donc avec ma guérison. Ces histoires demandent d’être rencontrées exactement comme les addictions : avec gentillesse, tendresse et une présence attentive.

Beaucoup des personnes que j’accompagne ressentent ce léger inconfort, cette agitation mentale ou cette histoire qui apparaît. Et presque systématiquement, cet inconfort les met en mouvement. Comme elles ne sont pas retirées du monde dans une hutte, elles se tournent vers le frigo, un verre, les biscuits, la télé… Ou vers une autre forme d’évitement : leur smartphone, internet, la pornographie, ou toute autre forme de fuite.

A. H. Almaas rappelle que nous ne percevons généralement pas la totalité. Nous ne voyons pas non plus le manque en lui-même : seulement le comportement qu’il entraîne. Ce que nous voyons, c’est le mouvement vers… n’importe quelle échappatoire que nous choisissons. On m’a également posé cette question : « Comment interrompre un schéma que l’on ne voit pas ? »

Un philosophe britannique a nommé les trois choses les plus importantes dans la vie : en premier, la gentillesse ; en deuxième, la gentillesse ; en troisième, la gentillesse. Alors, quand tu te diriges vers le frigo ou le paquet de biscuits, sois doux avec toi-même. J’ai entendu Gabor dire à de nombreuses reprises : « Ne jugeons pas le comportement. Ne jugeons pas l’addiction. Contentons-nous d’en être conscients. »

Cela amène une question : « Comment puis-je en être conscient ? » La réponse est simplement : « Par la gentillesse. » Et en reconnaissant : « Cela me soulage. Je suis en train de faire preuve de douceur envers moi-même. Cela m’éloigne de quelque chose qui est inconfortable en ce moment. »

Je vois à quel point, quand nous devenons sévères avec nous-mêmes — en pensant par exemple : « Mais quel nul » en prenant un biscuit — cette dureté ne fait qu’ancrer davantage le comportement. Il faut donc accueillir ce geste avec douceur. Se dire : « J’ai besoin d’un soulagement. Je prends ce biscuit et je m’offre cet instant d’apaisement. » Cela permet ensuite d’accéder à ce qui, en profondeur, est difficile. C’est cela, être conscient : voir clairement ce qui motive nos actes.

Il y a longtemps, à Calgary, j’ai fait une promenade artistique, visitant d’innombrables petits ateliers. Dans l’un d’eux, minuscule, j’ai vu un tableau… et je regrette encore de ne pas l’avoir acheté. On y voyait un homme assis, dans une pièce dépouillée. Une chaussure et une chaussette étaient retirées, soigneusement posées à côté de lui. Il tenait un fusil, une jambe de pantalon relevée, et le canon était dirigé exactement vers son pied. Cette image me marque encore aujourd’hui. Elle représente avec une précision presque douloureuse la manière très appliquée dont je peux me saboter — comme nous le faisons tous quand nous cherchons une distraction externe pour fuir ce que nous ressentons.

Alors, sois doux avec toi-même. Tu n’as pas besoin de travailler pour cela. Il n’y a rien à faire. Sois délicat. Sois tendre. Et surtout, sois bienveillant envers toutes les parts de toi qui portent tes croyances les plus profondes : « Je suis trop », « Je ne suis pas assez », « Je ne peux pas être aimé ». C’est pour cela que ce travail de guérison est si profond. Compassionate Inquiry® a cette merveilleuse manière d’apporter de la compassion à ces parts difficiles de nous-mêmes. Alors, traite-toi comme tu traiterais quelqu’un que tu aimes. Imagine cette personne comme un être très jeune. Comment voudrais-tu prendre soin d’elle ? Comment voudrais-tu la tenir dans tes bras ? C’est ainsi que tu as besoin de prendre soin de toi.

The Gifts of Trauma est un podcast hebdomadaire (en anglais) qui met en lumière des histoires personnelles de traumatisme, de transformation, de guérison et les cadeaux qui émergent sur le chemin de l’authenticité. Si l’interview vous touche, pensez à vous abonner et à la partager.

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